EXPERIENCES SPIRITUELLES et EPISODE PSYCHOTIQUE BREF

Il arrive (c'est déjà trop) que des personnes effectuant des retraites spirituelles décompensent et finissent par délirer (quelle que soit leur religion).

Elles doivent être immédiatement prise en charge par une personne compétente et dirigées vers un psychiatre ou un généraliste.

C'est une grande responsabilité pour les responsables des retraites ou des congrégations religieuses et il serait extrèmement bénéfique qu'ils s'informent sur la conduite à tenir face à un accident psychiatrique et sachent comment les prévenir car cela peut arriver à tout le monde.

 

Exemples: La mise en place de réunions explicatives données en début de retraite ou de mise en place d'entretiens réguliers avec une personne référente pour s'assurer du bien-être du retraitant, un médecin référent à contacter en cas de problème...etc. Il semble essentiel de mettre cette question "sur le tapis" avec ouverture lors des réunions d'organisation.

De plus en plus de lieux de retraite demandent sur leur fiche d'inscription le type de médication prise par les participants mais cela ne suffit pas.

Pourquoi ne pas indiquer clairement que ce genre de retraite n'est pas le lieu pour stopper un traitment psychiatrique et en expliquer les raisons afin de responsabiliser les personnes?

Les personnes victimes de troubles psychiques n'ont elles pas le droit de vivre leur spiritualité et de bénéficier du soutien d'une retraite et d'un lieu de pratique? Pourquoi faut-il toujours qu'une retraite soit synonyme d'intensif? Ne pourrait-on pas envisager des périodes de retraites douces aux horaires d'assise allégés associées à des activités liées au corps pour les personnes qui ont besoin d'un rythme plus souple?



-Les causes de Bouffée Délirante Aigües sont variées. La personne peut avoir déjà une fragilité psychique ou il est possible qu’elle se soit imposé un rythme quotidien trop intensif ou que le rythme collectif soit trop intense ou qu'elle effectue trop de visualisations mentales ou de méditation en oubliant la dimension corporelle de son être ou encore qu'une souffrance passée insupportable refasse surface pendant une session de pratique.

Un retraitant doit être attentif à son état intérieur et en tenir compte : fatigue, surmenage mental, émotions, besoins fondamentaux. Il est celui qui se connaît le mieux et doit se sentir libre de respecter ses limites.

Il est bénéfique de prévoir des temps de repos du mental et garder un temps pour une activité physique qui nous relie à notre corps, une "prise de terre" : marche, yoga, jardinage, cuisine ou autre. La méditation du travail (bénévolat, seva) est trés bénéfique. 

 

-Il arrive aussi hélas trop fréquemment que des personnes sous traitement psychiatrique rechutent lorsqu'elles participent à des retraites car, se sentant détendues et dans un environnement protégé, elles décident d'arrêter leur traitement sans aide médicale. Une retraite, aussi source de bien-être soit-elle, n'est pas favorable à l'arrêt d'un traitement psychiatrique. Faire une retraite implique travailler sur soi et être en interaction avec d'autres participants et cela peut fragiliser.

 

-Un pratiquant qui décompense va vivre des moments très difficiles, sans compter le mal-être occasionné d'avoir peut-être déliré devant d'autres membres de sa communauté spirituelle.

Il est important que ses amis spirituels pratique la non-discrimination et l'inclusivité et l'entoure d'une manière ou d'une autre pour que la personne malade ne se sente pas seule ou rejetée. Elle a perdu ses repères et à besoin de conserver ses liens avec ses amis spirituels. Un coup de téléphone régulièrement, un sms chaleureux, un email, une carte ou une visite sont facteurs de guérison. Un pratiquant spirituel en difficulté est toujours un pratiquant et le soutien de sa communauté peut l'aider à utiliser sa souffrance pour se transformer en profondeur.

Voici un extrait des 14 entrainements des laïcs selon la tradition zen de Thich Nhat Hanh:

"Nous nous engageons à trouver tous les moyens : contact personnel, téléphonique, électronique, audiovisuel ou autre... pour nous éveiller à la souffrance actuelle présente partout dans le monde. Nous chercherons à aller vers ceux qui souffrent afin de comprendre leur situation et de les aider."

 

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-Il est possible que la personne en retraite ait expérimenté des signes annonciateurs de la BDA et les aient pris pour des expériences spirituelles. Elle peut avoir eu l’impression d’être particulièrement reliée avec son objet de dévotion (sensations, visions...) ou ressentir des expériences méditatives comme l’extase, la joie, une concentration profonde ou autres qui paraissent incroyablement vraies. Malheureusement, l’égo saisit immédiatement ces expériences et les prend pour réelles.

Le mental peut créer toutes sortes d’états qui paraissent très vrais mais ce ne sont que des expériences aussi irréelles que le rêve. D’ailleurs, pendant nos rêves, nous croyons à ce qui se passe et le mental imagine toutes sortes de scénarios bien ficelés riches en sensations, émotions, couleurs…etc mais ce n’est que du vent ! Ce sont seulement des phénomènes mentaux ! Il peut être utile de se souvenir que le but de la spiritualité n'est pas de collectionner les expériences mais de développer l'Amour, la Paix, etc.


Si vous effectuez une retraite, une personne d’expérience et de confiance doit être votre référent et vous devez pouvoir lui parler de vos expériences, quelles qu’elles soient, sans gêne. Elle vous apprendra à ne pas les saisir ni les rejeter.

 

Si vous avez eu une BDA et que vous avez une pratique spirituelle, il semble évident de laisser complètement tomber les pratiques intensives, visualisations, exercices de yoga qui suroxygènent le cerveau ou travaillent trop directement sur les énergies, ambiances trop dévotionnelles jusqu’à être stabilisé sur le long terme

Copyrights: Prithivie

 


Jack KORNFIELD, qui dirige des retraites zen aux USA explique bien ce phénomène et comment l’appréhender. Extraits de son livre « Périls et promesses de la vie spirituelle »:


Moyens habiles de travailler sur les ouvertures énergétiques et émotionnelles

« Nous appuyer sur un maître qui a personnellement affronté et compris ces dimensions du psychique. Trouver quelqu’un en qui nous pouvons avoir confiance, puis nous fier à sa compétence et à ses conseils. »

 

 Tous les phénomènes spirituels sont des effets secondaires

« Le Bouddha rappelait souvent à ses élèves que l’objet de son enseignement ne consistait pas à accumuler certaines bonnes actions et un bon karma, des extases, une compréhension intuitive ou la félicité, mais consistait en une réelle libération du cœur-une véritable libération de notre être dans tous les domaines. »

Les expériences indiquent que « les vieilles structures de notre être, de notre corps et de notre mental  ont été démantelées. » « Toutefois, en tant que tels, ils n’engendrent pas la sagesse[...] et peuvent se transformer en orgueil spirituel ou en vieux souvenirs. »

« En elles-mêmes, les expériences spirituelles ne comptent pas beaucoup. Ce qui importe, c’est ce que nous sommes capables d’intégrer et d’apprendre à partir de ce processus. »

« Des « expériences exceptionnelles » peuvent transformer notre parcours spirituel en un parcours du combattant semé de problèmes récurrents et d’embûches. La manière dont nous réagissons à ces expériences peut même corrompre notre méditation, soit que nous nous y attachions, soit qu’elles nous dérangent et que nous les repoussions, soit que nous essayions de les renouveler ou de les retenir. »

 

Savoir freiner

« Des états de conscience modifiée intenses et des phénomènes énergétiques peuvent se produire trop rapidement pour que nous soyons en mesure de les intégrer avec habileté. »

« Auprès d’un maître et en nous-mêmes, nous devons être capables de reconnaître nos limites et d’avoir suffisamment de compassion pour les accepter avec sagesse. […]Ralentir le processus, atterrir, appuyer sur le frein. »

« Un processus d’ouverture qui s’effectue trop rapidement peut se manifester sous une forme extrême d’ouverture énergétique : agitation, perte de sommeil, paranoïa, fièvres, cécité temporaire, etc…impression de perdre ses propres limites. […] Un autre domaine de difficultés apparaît aussi quand  des parties puissantes de nous-mêmes qui étaient coupées de notre conscience ordinaire. »

 

Comment avons-nous réagi ? (avec quelqu’un qui a commencé à délirer brièvement lors d’une retraite)

« Nous l’avons fait courir, modifié son alimentation, régime protéiné, prendre fréquemment des bains et douches chaudes, mis au travail (travail de la terre), s’assurer qu’il y avait toujours au moins une personne avec lui. Plus tard (sommeil retrouvé), reprendre peu à peu la méditation. »

 

« Lorsque vous appuyez sur le frein pour ralentir un processus énergétique intense ou pour recréer vos limites et restaurer l’équilibre, cessez d’abord de méditer. Ensuite, placez votre attention sur un point physique, quel qu’il soit, qui peut vous remettre en contact avec votre corps.

Ayez recours aux mouvements qui vous aideront à libérer l’excès d’énergie, que ce soit bécher la terre, faire du Taï Chi, courir et marcher, ramener l’attention dans le corps, sentir le contact de ses pieds sur le sol ou visualiser la terre. Le massage ou autre approche corporelle, l’acuponcture ou la digitopuncture.

Mangez des nourritures lourdes, céréales et viandes, pour enraciner votre corps.

Essayez de retrouver un sommeil normal par le biais de la relaxation, de tisanes de plantes calmantes, de bains et de massage succédant à une journée d’activités physiques fatigantes (randonnée, jardinage).

Vous entourer de gens qui peuvent vous apporter leur soutien et vous aider à atterrir et à garder le contact. »

 

 

« Il est essentiel de demander l’aide d’une personne qui soit compétente dans ce domaine particulier. Ces processus pouvant durer longtemps[…], trouver un guide, quelqu’un qui a été en contact avec sa propre folie, sa propre souffrance et la perte de ses repères, qui peut progressivement et courageusement nous ramener sur le terrain de notre propre nature. »

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La conscience de la danse

« Quand ce type d’expérience a lieu, la principale responsabilité du pratiquant est de s’ouvrir à elle en demeurant pleinement conscient, en l’observant et en la ressentant comme partie intégrante de la danse qui constitue notre existence humaine.

Nous aurons parfois tellement peur des états de conscience modifiée que nous leur résisterons et les jugerons négativement.  […] La peur, l’aversion et l’incompréhension nous inciteront peut-être à nous défendre contre ces états pendant, à essayer de les éviter, de les modifier, de les dépasser ou de les faire disparaître, et c’est cette résistance même qui nous empêchera d’être libres. »

« Tout comme nous avons appris, en abordant la méditation, à porter sur les douleurs ou la tension du corps physique une attention apaisante et compatissante, sans la refuser ni nous en emparer, nous pouvons aborder des états de conscience modifiée, si effrayants et pénibles soient-ils avec une attention compatissante et sereine. »

« Lorsque nous nous emparons d’une expérience, quelle qu’elle soit, ou que nous la refusons, notre pratique s’enlise à cet endroit, nous cessons d’être ouvert à la vérité. »

« En abordant chaque nouvelle expérience avec vigilance et sagesse, nous découvrons qu’une des trois choses suivantes peut lui arriver : disparaître, demeurer inchangée, ou s’intensifier. Peu importe. » « Inclure à la fois tout état qui se manifeste et nos réactions à cet état. »

« Nommer les états modifiés : « exaltation » ou « visions » ; c’est une façon de reconnaître ce qui est présent, de l’observer et de lui donner son véritable nom.  Dès l’instant où l’on est capable de dire le nom de cette expérience et de créer un espace où elle peut apparaître et disparaître, se développe  un sentiment de confiance dans le processus à l’oeuvre. On reprend contact avec la compréhension qui ne cherche pas à capturer une expérience,  […] « la sagesse de l’insécurité ». »

« Un chemin qui a du cœur nous permet d’expérimenter le monde phénoménal dans toute son infinie richesse, …et de trouver la liberté et un cœur généreux au sein de tout cela. Parce que chacun de nous, en tant que fleur humaine, s’ouvrira à sa façon unique et selon ses cycles propres, nous n’avons pas besoin de diriger les énergies spécifiques de notre corps et de notre cœur. Notre chemin ne consiste ni à les désirer ni à les craindre. Le véritable chemin est celui du lâcher-prise.

Quand nous cultivons un esprit d’ouverture, la foi et une perspective vaste, nous pouvons traverser tous les états et découvrir en eux une sagesse éternelle et un cœur profond et plein d’amour.

 

Méditation : une réflexion sur votre attitude envers les états de conscience modifiée

 «Quelle est votre attitude vis-à-vis des états inhabituels, des états de conscience modifiée qui apparaissent pendant la méditation ? »

« Tout comme vous pouvez utiliser ces états mal à propos en vous y attachant, vous pouvez aussi mal les utiliser en les évitant ou en essayant d’y mettre fin. »

« Voyez vers quelle personne, vers quel enseignement vous vous tournez pour savoir comment vous comporter relativement à ces questions. Si vous sentez qu’une perspective sage vous fait défaut, demandez-vous où vous pourriez la trouver. » 

Source: Jack Kornfield

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